How I met your Lawyer
Journal des tribunaux
Nous sommes le vendredi 14 Février, devant le Palais de Justice de Nîmes et il est 08h00. Les avocats sont devant le parvis, en grand nombre. Aucune affaire ne sera traitée aujourd'hui. C'est une journée noire pour la justice. Ils sont tous rassemblés devant les portes du palais brandissant des banderoles sur lesquelles on peut lire en lettres majuscules " BARREAU DE NÎMES EN COLÈRE". Le bâtonnier (l'homme au mégaphone) explique cette colère qui se porte sur la réforme des retraites, tout en cassant les clichés autour du salaire des métiers de la justice ; non, les avocats n'ont pas un énorme salaire à la fin de chaque mois. Ce blocus s’étend jusque devant le parking du tribunal. Chaque véhicule est arrêté par un ou deux avocats, les motivations de la grève sont brièvement expliquées, une viennoiserie est parfois offerte, et il est demandé aux conducteurs de klaxonner 10 fois en guise de soutien, ceux qui refusent sont alors hués. Aucune affaire ne sera acceptée, les avocats refusent en bloc, et les gendarmes entrent dans le palais. Aujourd'hui "la justice est morte".
On constate le nombre d'avocats qui protestent, à la fois sur le parvis mais
également à l'entrée du parking (bien plus virulents).
Ils sont ceux qui se font entendre en faisant klaxonner les voitures
et applaudissent par la suite ou bien huent ceux qui s'y refusent.
On notera également la présence de la police, qui soutient les manifestants,
pour leur plus grand plaisir, lumières et sirènes sont de mise !
Ce blocus est l’une des mesures prises contre la réforme des retraites annoncée fin 2019 par Édouard Philippe, qui aurait des conséquences significatives pour les professions indépendantes. Ainsi, les avocats, fortement concernés par le sujet, ont lancé depuis début le 6 janvier 2020 un mouvement de grève important, persistant encore aujourd’hui et tendant à se renforcer davantage dans les prochaines semaines. Contrairement à de nombreuses professions, la retraite des avocats est dite « autonome », cela signifie que tout au long de leur carrière, ils vont cotiser auprès de la Caisse Nationale des Barreaux Français (CNBF) et percevoir une retraite personnalisée en fonction de leur engagement. Or, la réforme des retraites prévue pour 2025 promet de supprimer les régimes autonomes. Ils passeront alors à un régime général qui aura comme conséquence première l’augmentation de leurs cotisations qui se verront doublées. Mais ce n’est pas tout, ils viendraient également à perdre leurs réserves et les mécanismes de solidarité, tels que les congés maternité, les périodes de chômage, etc., ainsi que leurs avantages sur la pension de réversion, qui est le principal reproche du Conseil National des Barreaux (CNB) : « Plus de cotisations pour moins de pensions ». Depuis le début du mouvement, les avocats demandent à ce que leur régime autonome soit maintenu, aujourd’hui « bénéficiaire et solidaire envers les régimes déficitaires ». Ils dénoncent le doublement des cotisations de retraite pour les revenus inférieurs à 40.000 euros et une baisse du niveau des pensions minimales.
Selon nos confrères du et de , le 21 février dernier, la Ministre de la Justice Nicole Belloubet, a adressé une lettre aux représentants des robes noires de France dans laquelle elle a indiqué avoir déposé un nouvel amendement ayant pour objectif de régler le problème de la hausse des cotisations pour les avocats ayant des revenus relativement faibles. En effet l’amendement indique que le nouveau dispositif prendra en charge la hausse de cotisations pour les avocats dont le revenu est inférieur à 80.000€. La mobilisation des avocats s’étant originellement développée avec le refus de voir leur régime autonome intégré dans le système universel de retraites, nous ne sommes pas sûrs que les avocats se contentent des mesures annoncées par ce nouvel amendement.
Affaire à suivre, donc…
Infographie
Estrela, Nina et Quentin